Présentation sur l’organisation du marché de l’électricité et ses évolutions futures lors de la COP 24 – Commission Consultative Paritaire pour la Transition Energétique organisée par le Syndicat Départemental d’Energies de la Dordogne (SDE24), le lundi 10 décembre 2018.
Résumé:
Paradigmes et demande
Il faut se méfier des paradigmes: l’industrie du pétrole qui gravite depuis les années 70 autour du paradigme du peak oil pourrait être bouleversée par un nouveau paradigme qui est celui d’une baisse de la demande (BP2018). Il est plus facile d’analyser l’offre que la demande et cette dernière est souvent negligée : peak oil de demande, programme nucléaire français des années 70-80.
Un peu de généalogie
L’industrie électrique s’est développée en France à partir des années 1880 sous l’impulsion des industriels, des investisseurs privés et des communes. L’État, alors en pleine décentralisation, ne s’intéresse pas à cette nouvelle technologie. Il se contente d’émettre des cahiers des charges (déjà!). Les communes prennent en main l’électrification à travers des contrats de concession. Cette politique libérale qui laisse le soin aux communes et entrepreneurs de développer le secteur permet une bonne électrification avec un taux de couverture de 91% en 1930.
La vague libérale s’arrête là. Dès 1935 l’État reprend le gouvernail pour finir en 1946 par nationaliser une grande partie des moyens de production avec la création d’EDF. Pendant 50 ans, l’État gère le marché de l’électricité hexagonal. Le service public est de qualité et l’électricité est bon marché pour les citoyens et les entreprises, ce qui est toujours le cas aujourd’hui.
Puis une nouvelle vague de libéralisation est arrivée dans les années 90, de façon quasi concomitante avec l’arrivée de nouvelles technologies permettant de produire de l’électricité plus simplement : solaire et éolien. La production et la distribution ont été dérégulées. Cela a laissé place à de nouveaux acteurs et à des innovations. Les communes et syndicats de communes reprennent leur rôle historique en terme de politique énergétique et, en travaillant avec les nouveaux énergéticiens, permettent le developpement rapide des ENRs sur leurs territoires.
A qui vendre et comment financer ?
Nous savons faire des centrales de production d’électricité très performantes et surtout très compétitives. Aujourd’hui nous faisons face à 2 nouvelles questions : qui va acheter l’électricité produite (donc quelle est la demande) et comment nous allons financer ces infrastructures. Pour les producteurs d’énergie renouvelable c’est un nouveau paradigme.
Entre 2001 et aujourd’hui, le système était plutôt simple. L’acheteur c’est EDF. Le mécanisme : on passe de tarifs d’achat de l’électricité à des compléments de rémunération obtenus par des appels d’offres. Ce qu’il faut retenir c’est que c’est une rémunération sure, stable et long-terme. Ces mécanismes sont basés sur des subventions publiques qui ont permis à l’industrie de se développer.
Aujourd’hui le paysage change. Les AO permettent la transition vers le marché. Beaucoup d’acteurs envisagent dès aujourd’hui de valoriser leurs moyens de production sur les marchés. Quels sont les nouveaux acheteurs ?
- Le consommateur industriel : c’est aujourd’hui la grande mode des contrats d’achat d’électricité, en anglais Corporate PPA (Power Purchase Agreement)
- Les agrégateurs qui sont des intermédiaires achetant de l’électricité à des producteurs pour la vendre ensuite sur le marché de gros
- Le marché de gros qui est géré par EPEX SPOT
Le financement d’une infrastructure se caractérise par un investissement initial important et un retour sur investissement dans le temps long. Lorsque vous avez l’État français qui garantit l’achat d’électricité sur ce temps long, il n’y pas de problème pour trouver un financement !
Lorsque vous avez une entreprise qui s’engage à vous racheter l’électricité sur une durée plus ou moins longue, il devient plus difficile de financer. En effet il y a cette fois un risque de crédit. La solvabilité de la centrale électrique devient celle de l’acheteur/consommateur.
Lorsque l’on veut vendre directement sur le marché de gros il est plus difficile de trouver un financement de projet.
La façon de vendre l’électricité et l’évolution et son prix conditionnent et conditionneront la façon de financer les moyens de production.
Quelques pistes d’évolution pour les années qui viennent au niveau local
- Améliorer l’efficacité énergétique
- Décarboner la demande en énergie
- Agréger les acheteurs au niveau départemental pour obtenir de meilleurs prix de gros
- Développer une plateforme de contrat d’achat PPA
- Déployer des boucles locales d’autoconsommation
- Supporter les nouvelles consommations
Conclusion
1/ ne pas négliger la demande dans les reflexions
2/ l’innovation et l’initiative sont entre les mains des communes et des corps intermédiaires
3/ créer et réguler ses propres marchés sont les meilleurs façons d’anticiper le futur